En bref

L’enjeu

En France, les personnes sans domicile doivent passer par un parcours d’insertion complexe et contraignant avant d’accéder à un logement autonome, pérenne, de droit commun. Beaucoup de ménages se retrouvent à la rue ou dans des dispositifs d’hébergement pendant de longues années, sans perspective de sortie, ce qui conduit à une dégradation de leurs conditions d’existence, et constitue un coût important pour la société.
Le modèle du « Logement d’abord », inspiré du modèle Housing First, né aux États-Unis en 1992, se veut être une alternative à ce système, en offrant un accès direct au logement pérenne et un accompagnement flexible en fonction des besoins. Ce modèle est expérimenté en France depuis 2011, par la Délégation interministérielle à l’hébergement et l’accès au logement (DIHAL), au travers du programme « Un Chez soi D’abord », et généralisé depuis 2017 avec le lancement d’un appel à manifestation d’intérêt (AMI) Logement d’abord sur 23 territoires de mise en oeuvre accélérée du Logement d’abord.

Néanmoins, à ce jour, malgré sa généralisation, la politique du Logement d’abord n’est pas devenue le fonctionnement par défaut du système de prise en charge, et il n’a pas permis à ce stade une diminution du nombre de ménages sans domicile. Plusieurs problématiques freinent la capacité des territoires à permettre une réduction pérenne du nombre de personnes sans domicile, dont notamment une vision partielle, fragmentée, et non-actualisée des besoins, ce qui limite la capacité à mettre en place des solutions répondant directement aux besoins constatés, de façon coordonnée.

La démarche proposée

Sur la base des travaux menés par l’Action Tank sur le sans-abrisme depuis 2016 (benchmark de programmes ayant fait leurs preuves à l’international et diagnostics territoriaux du sans-abrisme en France), quatre éléments clés pour permettre une réduction du nombre de personnes sans-domicile en France sont identifiés :

  • la définition d’un objectif de réduction du nombre de sans-domicile
  • un pilotage en temps réel via la collecte de données sur les besoins et les
    ressources mobilisées
  • la construction itérative de solutions grâce à des outils de pilotage
  • une gouvernance partagée et l’animation d’un collectif local.

Pour adresser ces différents freins, l’Action Tank a conçu le programme d’expérimentation Synchrø, une démarche visant à donner les moyens aux territoires de connaître et suivre, tous les mois, le nombre de personnes sans-domicile et leurs besoins en termes de logement et d’accompagnement, pour pouvoir construire des solutions adaptées aux besoins constatés, évaluer la pertinence des actions mises en œuvre et les adapter. Le programme Synchrø vise donc de façon très concrète une réduction du sans-abrisme, à l’échelle territoriale (intercommunalité ou département).

Les partenaires du programme

Bilan de l’année 2021

  • Après des travaux de préfiguration au cours de l’année 2020, le Programme Synchrø est implémenté opérationnellement et expérimenté sur le territoire de Limoges depuis avril 2021.
  • Des travaux de faisabilité et de préfiguration ont été menés avec le territoire de Grenoble au cours de l’année 2021, pour explorer une mise en œuvre de la démarche en 2022.

En savoir plus

La démarche que nous promouvons repose sur un constat simple : le logement est à la fois un droit et un besoin universel, il ne se mérite pas et doit servir de point départ à l’inclusion du ménage dans la société.

L’Action Tank promeut donc un changement de paradigme consistant à remplacer la logique d’escalier (basée sur un accès au logement par étapes) par une logique d’accès direct et inconditionnel au logement pérenne, pour l’ensemble des ménages sans domicile dont la situation administrative permet l’accès au logement.

Cette logique s’inspire du modèle Housing First.

Qu’est-ce que le modèle Housing First ?

Le modèle Housing First est né aux Etats-Unis, dans les années 80, sous l’égide d’un psychiatre, Sam Tsemberis. Ayant constaté qu’un grand nombre de personnes à la rue souffrant de troubles psychiques ne sollicitaient plus les services qui leur étaient proposés, Tsemberis a monté un programme leur garantissant un accès direct à des logements indépendants et en diffus, avec un accompagnement intensif pour les aider à s’y maintenir. Cet accompagnement, réalisé par des équipes pluridisciplinaires, comportait une dimension sanitaire importante (accompagnement psychiatrique, réduction des risques). Le modèle Housing First est donc avant tout un modèle médico-social ciblant les individus les plus exclus du logement, cumulant des troubles psychiques et des addictions, et visant leur rétablissement [2].

L’évaluation des expérimentations Housing First en Amérique du Nord et en Europe de ces vingt dernières années montrent des résultats très positifs, tant en termes de maintien dans le logement (compris entre 75% et 100%) qu’en termes d’amélioration de la qualité de vie des personnes relogées. Ces expérimentations tirent également leur légitimité des coûts pour la société qu’elles permettent d’éviter (coûts des recours à l’hébergement, aux soins, au système judiciaire en nette diminution une fois la personne sans domicile relogée).

L’adaptation du modèle Housing First en France : le « Logement d’abord »

En France, l’adaptation du modèle Housing First a débuté en fin des années 2000 par le lancement d’une vingtaine d’expérimentations, la plus emblématique étant celle du « Un chez soi d’abord » lancée en 2011 par la DIHAL, touchant 350 sans-abri et en cours de déploiement dans une vingtaine de villes.  Ces projets expérimentaux visaient un nombre limité de ménages et un profil très spécifique (ménages avec des troubles psychiques sévères, femmes victimes de violence, ou jeunes…) [3].

En mars 2017, l’Action Tank en partenariat avec l’Agence nouvelle des solidarités actives (Ansa) ont publié un rapport « Le logement d’abord : et après ? »,dressant un bilan des expérimentations logement d’abord et proposant des pistes d’action pour la généralisation de ce modèle en France.

Fin 2017, une réforme plus structurelle a été annoncée par le Président de la République, avec le lancement du plan quinquennal pour le Logement d’abord qui a pour objectif de diminuer de manière significative le nombre de personnes sans domicile d’ici 2022. Depuis, 24 territoires se sont engagés pour une mise en œuvre accélérée du Logement d’abord.

Convaincu que la diversité des réalités territoriales en termes de besoins, de tension sur le marché immobilier local, de modes d’organisation des acteurs locaux, de partenariats entre acteurs locaux, de présence des acteurs sociaux et médico-sociaux, appellent des solutions sur mesure, adaptées aux forces et faiblesses de chaque territoire, l’Action Tank souhaite s’adapter à cette diversité de contextes pour accompagner des collectivités partenaires dans l’analyse des besoins en amont, la définition du niveau de l’ambition, le prototypage de solutions, ou encore la modélisation économique des programmes.

[2] Housing First: Ending Homelessness, Transforming Systems, and Changing Lives (2016), Oxford University Press, Padgett, B. Henwood, S.Tsemberis. [3] Source Localtis.

Sur la base des travaux menés par l’Action Tank sur le sans-abrisme depuis 2016 (benchmark de programmes ayant fait leurs preuves à l’international et diagnostics territoriaux du sans-abrisme en France), quatre éléments clés pour permettre une réduction du nombre de personnes sans-domicile en France sont identifiés :

  • la définition d’un objectif de réduction du nombre de sans-domicile
  • un pilotage en temps réel via la collecte de données sur les besoins et les
    ressources mobilisées
  • la construction itérative de solutions grâce à des outils de pilotage,
  • une gouvernance partagée et l’animation d’un collectif local.

Pour adresser ces différents freins, l’Action Tank a conçu un programme d’expérimentation dénommé « Synchro », qui vise de façon très concrète une réduction du sans-abrisme, à l’échelle territoriale (intercommunalité ou département).

Cibles

L’Action Tank souhaite généraliser l’approche Housing First à large ensemble de ménages sans domicile, y compris ceux qui ont des besoins moins complexes. Les cibles visées sont les ménages sans abri ou hébergés dans des centres (urgence, insertion, stabilisation…) en situation administrative régulière pour accéder au logement. 150 000 ménages seraient concernés.

Objectif

Accompagner les collectivités territoriales dans la planification et la mise en œuvre d’une stratégie « logement d’abord », à l’échelle d’une ville ou d’un département, reposant sur de meilleurs outils de pilotage et de connaissance du besoin. Cet accompagnement implique la mobilisation de l’ensemble des acteurs de la prise en charge des sans-domicile à l’échelle du territoire (services déconcentrés de l’Etat, services des collectivités, opérateurs d’hébergement, bailleurs, personnes concernées) dans la refonte du système d’hébergement et d’accès au logement existant.

 

Travaux préalables (2017-2019)

En 2017-2018, l’Action Tank, en partenariat avec l’Agence nouvelle des solidarités actives (Ansa), a accompagné l’Eurométropole de Strasbourg dans l’élaboration d’une stratégie logement d’abord.

Une étude de faisabilité a été conduite et un plan d’action y a été associé, à l’échelle de l’Eurométropole de Strasbourg. Les propositions d’actions concernaient l’ensemble de la population cible, soit 750 ménages chaque année et s’appuyaient sur des efforts importants de captation de logements (surtout dans le parc privé) et sur une plateforme d’accompagnement proposant divers niveaux d’intervention sociale en fonction des besoins des ménages. Nos analyses ont permis également de chiffrer le coût de la transition vers un système logement d’abord : à horizon cinq ans, un effort financier conséquent serait nécessaire (17M€ par an par rapport au coût du système existant de 14,5M€), mais serait entièrement compensé par des économies durant les cinq années suivantes, soit un scénario de neutralité financière à horizon de 10 ans pour les pouvoirs publics.

En juin 2018, l’Eurométropole de Strasbourg est sélectionnée par le gouvernement, aux côtés de 23 autres territoires, pour la mise en œuvre accélérée du Plan Logement d’abord.

L’Action Tank accompagne, en partenariat avec l’Ansa, trois nouveaux territoires dans la définition et la mise en œuvre de plans d’action Logement d’abord :

  • Le Conseil Départemental de la Seine-Saint-Denis ;
  • Grenoble-Alpes Métropole ;
  • Limoges Métropole.

Ces territoires offrent une diversité en termes d’ambition (approche systémique ou expérimentale sur une cohorte), de besoin et caractéristiques des ménages (de 1 500 à 12 000 ménages sans-domicile), et de type de marché de logement (plus ou moins tendu).

Ainsi, tout en poursuivant l’accompagnement initié sur les territoires de mise en œuvre accélérée du logement d’abord, l’Action Tank a capitalisé sur les enseignements des différentes approches et contextes locaux, afin de formaliser une méthodologie et des outils qui permettraient de rendre les territoires davantage acteurs de leur stratégie Logement d’abord avec un travail spécifique sur le pilotage, la gouvernance et les données. Ce travail de capitalisation a abouti à la démarche Synchro.

 

2020 : détermination d’une nouvelle démarche territoriale
Synchro est une démarche reposant sur :

  • la définition d’un objectif de réduction du nombre de sans-domicile
  • un pilotage en temps réel via la collecte de données sur les besoins et les
    ressources mobilisées
  • la construction itérative de solutions grâce à des outils de pilotage,
  • une gouvernance partagée et l’animation d’un collectif local.

En 2020, afin de créer les conditions d’une expérimentation de lutte contre le sans-abrisme sur un territoire, l’Action Tank a concentré ses travaux en 2020 sur le prototypage de solutions et d’outils en vue du lancement d’une expérimentation Synchro, et sur l’identification de partenaires / des territoires, mais également des partenaires financiers et opérationnels.

  • Une étude de préfiguration de ce programme a été réalisée à Limoges au cours de l’année 2020 et a permis de confirmer la pertinence de cette démarche pour des acteurs institutionnels (Limoges Métropole, DDCSPP) et de terrain (maraudes, acteurs de l’hébergement et du logement accompagné)
  • d’explorer la faisabilité technique, opérationnelle et règlementaire (avec un volet conformité RGPD identifié)
  • de préfigurer la construction d’un outil « artisanal » de pilotage et son utilisation avec des premières données captées.